Si, en 1789, la conscription est unanimement condamnée par les cahiers de doléances, elle n’est pas prête à disparaître !
En 1792, pour faire face à l'invasion étrangère, les chefs jacobins avaient proclamé la patrie en danger et lancé un appel aux volontaires. Ceux-ci, aux côtés des vétérans de l'ancienne armée royale remportèrent des victoires mais cela n'a pas suffi à ramener la paix. Par décret du 25 août 1793, la Convention procéda à une première forme de conscription par la levée en masse de 300.000 hommes qui fut vivement contesté par le peuple. Plus tard, les anciens conventionnels décident de lancer des guerres de conquêtes pour sortir la France de ses difficultés économiques. Pour y faire face, une loi est proposés par Jean-Baptiste Jourdan, ancien général, commandant victorieux de l'armée de Sambre et Meuse.
La Loi "Jourdan" du 19 fructidor an VI (5 septembre 1798) précise que « tout Français est soldat et se doit à la défense de la patrie ». Elle est le texte "fondateur" de la conscription et du service militaire moderne. La guerre devient une obligation pour tous les citoyens mâles, sans se préoccuper de leurs motivations ou aptitudes au combat. La Nation exige le prix du sang et démocratise la gloire et la mort! C'est une première dans l'histoire de l'humanité. La guerre n'est plus réservée à des professionnels comme sous l'ancien régime. Cette Loi prévoit que tous les hommes de 21 à 25 ans doivent s'inscrire sur les registres communaux pour faire face à la menace d'une deuxième coalition européenne. Son objectif est de permettre une levée en masse selon les besoins. Cette loi fut encore plus mal acceptée que la levée en masse de 1793 et il y eut de nombreux réfractaires. Elle resta en vigueur pendant une vingtaine d'années, après quelques modifications.
Loi de 1802 : instaure le remplacement. Elle permet à ceux qui en ont les moyens d'acheter un remplaçant pour leur fils. Cela peut choquer car favorable "aux riches" mais c'était une occasion inespérée pour d'autres de gagner de l'argent qu'il n'auraient pas pu gagner autrement, dans le contexte économique difficile de l'époque. Loi de 1804 : Elle instaure le tirage au sort et réglemente les exemptions. Devant la pression populaire, la conscription est supprimée en 1815 mais sera rétablie trois ans plus tard!
La loi du 10 mars 1818, dite loi Gouvion Saint-Cyr : Elle prévoit un contingent une convocation annuelle de 40.000 hommes et modifie les conditions de conscription tout en maintenant le tirage au sort et la possibilité d'acheter un remplaçant. Pour les engagés volontaires, la durée passe à 6 ans dans les légions départementales et à 8 ans dans les autres corps. Pour les conscrits, la désignation du contingent se fait en fonction de la population des départements et par tirage au sort au chef lieu de canton en séance publique devant le sous-préfet et des maires du canton. Les inscrits ou leurs représentants habilités sont appelés dans l'ordre du tableau de recensement et doivent prendre un numéro dans une urne. Le tirage s'arrête quand le contingent prévu est atteint. La durée du service est plus précisément de 6 ans à compter du premier janvier de l'année où les soldats ont été inscrits sur les registres de matricule et s'achève le 31 décembre les 6 années révolues. Au terme des 6 ans, soldats et sous officiers sont versés dans une réserve instruite appelée "vétérance". En 1824, dissolutions des compagnies de vétérance. La réserve désigne la partie non appelée et donc non instruite de chaque classe.
En 1829, la durée du service passe de 6 à huit ans.
Loi Soult du 21 mars 1832 : Pour parer à la stagnation des engagements, le Ministre de la guerre fait voter une loi imposant un service d’une durée de sept ans tout en maintenant le tirage au sort.
Loi de 1855 : Fin du remplacement. Celui-ci est remplacé par l'exonération, moyennant une somme de 2800 francs. On pouvait également racheter chaque année restante du service déjà commencé pour 500 francs. Pour mémoire, le salaire moyen d'un petit fonctionnaire à l'époque était d'environ 700 francs par an! Les sommes collectées étaient versées à une caisse de dotation de l'armée et servaient à financer les retraites militaires et à augmenter les primes d'engagement des volontaires.
Loi Niel du Ier février1868 : Service d’une durée de 5 ans pour la moitié du contingent par tirage au sort et de 6 mois pour l’autre moitié. Le remplacement est à nouveau autorisé. Création d'une garde nationale mobile (complétant l’armée active). Chaque citoyen peut y effectuer un stage de 15 jours et bénéficier d'une formation militaire.
Loi Tiers du 27 juillet 1872 : Le rapporteur de la loi, le marquis de Chasseloup-Laubat, présente le service militaire comme une nécessité sociale qui s’imposerait à notre pays alors même que la défense de notre sol ne le commanderai pas impérativement, car il est un lieu de création de lien social et contribue à l’unité nationale. Cette loi créée une obligation militaire s’étendant sur une période de 20 ans. Le tirage au sort est maintenu. Le remplacement est supprimé mais on peut être dispensé pour diverses raisons dont soutien de famille. Établissement d’un registre de matricules par département à partir des listes cantonales de recrutement, mentionnant l’incorporation et tous les changements (affectation, domicile etc.) jusqu’au passage dans l’armée territoriale. Le service se décompose comme suit :
5 ans dans l’armée active – 4 ans dans la réserve d’active.
5 ans dans l’armée territoriale – 6 ans dans la réserve territoriale.
La loi de 1885 n’y changera rien. A la fin du second Empire, Napoléon III est impressionné par la victoire de la Prusse sur l’Autriche. Il cherche à appliquer en France le système prussien basé sur un service universel fondé sur des réserves instruites, mais sans y réussir.
Loi Freycinet du 15 juillet 1889 : Elle fait progresser le principe de l’universalité de la conscription. Le service est réduit à 3 ans mais il y a désormais des dérogations. Les « dispensés » doivent un service d’un an réduit à 10 mois pour les bacheliers et étudiants. Les exemptés du service actif sont affectés à un service auxiliaire. Le tirage au sort continue et les bénéficiaires ne font qu’un an. Par contre, les dispensés, exemptés et tirés au sort doivent payer une taxe militaire destinée à compenser leur régime de faveur. Un tiers de chaque classe d’âge fait un service d’un an. Le rôle social du service militaire est important : c’est une initiation à la modernité pour le plus grand nombre issu du monde rural par la découverte de la ville, l’initiation au maniement d’équipements plus sophistiqués que leurs équipements agricoles, découverte de l’eau courante, d'autres mœurs, coutumes et l’occasion d’apprendre le français pour ceux qui ne parlent qu’un patois ou une langue régionale. C’est un réel facteur de cohésion sociale qui sera renforcé par la loi suivante.
Par la loi du 21 mars 1905 (loi Jourdan-Delbel), le Ministre de la guerre, le général André, met fin au tirage au sort et impose un service militaire personnel et obligatoire pour tous d’une durée de 2 ans (au lieu de 3 depuis 1889). Toute dispense est exclue. Un sursis est possible dans certains cas. C’est une loi qui marque l’origine du service national encore en vigueur sous la Vème République.
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