Contexte historique : Au début du XIXème siècle, la condition ouvrière souffre de la méfiance policière et de l'autorité patronale qui s'abattent sur le salarié. Plus peut-être que sur le fameux livret ouvrier, il convient d'attirer l'attention sur l'interdiction des coalitions ouvrières (1803), sur la supériorité légale reconnue au maître, cru sur parole - traité en mineur, l'ouvrier n'a même pas la possibilité de se défendre dans les conseils de prud'hommes (26 créés entre 1806 et 1813) où les patrons ont la majorité et où les salariés sont représentés par des chefs d'atelier, des contremaîtres, des artisans. L'encadrement, la surveillance ont un double sens social -empêcher ceux dont la fonction est de fournir la force de leurs bras de s'évader de leur condition - et politique : les migrants saisonniers, les ouvriers des chantiers publics sont particulièrement redoutés comme possibles disséminateurs de troubles, exposés à Paris à être arrêtés et expulsés.
Intérêt du texte : Ce document nous renseigne sur l'usage de ces livrets d'ouvriers. On le voit avec cet extrait, l'arrêté du 9 frimaire an XII (1er décembre 1803) était destiné à lutter contre le vagabondage, mais il renforçait dans de nombreux métiers la sujétion de l'ouvrier envers le patron qui conservait le dépôt du livret : un patron ne peut embaucher un ouvrier dépourvu de livret. Mais le livret vise aussi à empêcher les patrons, en période de rareté de main-d’œuvre, de débaucher les ouvriers de leurs concurrents. Cette situation dura jusqu'en 1851 malgré les protestations ouvrières. Papiers de famille, les livrets sont parfois consultables aux Archives départementales dans la série O et M (sous-série Travail).
Le texte
Extrait de l'arrêté du 9 frimaire an XII.
ARTICLE PREMIER. A compter de la publication du présent arrêté, tout ouvrier travaillant en qualité de compagnon ou garçon devra se pourvoir d'un livret.
ARTICLE. 2. Ce livret sera paraphé sans frais, à savoir : à Paris, Lyon et Marseille par un commissaire de police; et dans les autres villes par le maire ou l'un de ses adjoints. Le premier feuillet portera le sceau de la municipalité, et contiendra le nom et le prénom de l'ouvrier, son âge, le lieu de sa naissance, son signalement, la désignation de sa profession et le nom du maître chez lequel il travaille.
ARTICLE. 3. L'ouvrier sera tenu de faire viser son dernier congé par le maire ou son adjoint, et de faire indiquer le lieu où il se propose de se rendre. Tout ouvrier qui voyagerait sans être muni d'un livret ainsi visé sera réputé vagabond, et pourra être arrêté et puni comme tel...
ART. 7. L'ouvrier qui aura reçu des avances sur son salaire, ou contracté l'engagement de travailler un certain temps, ne pourra exiger la remise de son livret et la délivrance de son congé qu'après avoir acquitté sa dette par son travail et rempli ses engagements, si son maître l'exige.
Source : Thierry Sabot - Septembre 2004
https://www.histoire-genealogie.com/Le-livret-ouvrier-1803
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